Juste pour toi mon cousin, pour rendre hommage à l’homme brillant que tu étais, je veux citer ce passage de Saint Exupery, que tu aimais beaucoup et pour que cet extrait aide ceux qui te pleurent.
“ …Il y avait, à côté du puits, une ruine de vieux mur de pierre.
Lorsque je revins de mon travail, le lendemain soir, j'aperçus de loin mon petit prince assis là-haut, les jambes pendantes. Et je l'entendis qui parlait :
- Tu ne t'en souviens donc pas ? disait-il. Ce n'est pas tout à fait ici !
Une autre voix lui répondit sans doute, puisqu'il répliqua :
- Si ! Si ! c'est bien le jour, mais ce n'est pas ici l'endroit...
Je poursuivis ma marche vers le mur. Je ne voyais ni n'entendais toujours personne. Pourtant le petit prince répliqua de nouveau :
-... Bien sûr. Tu verras où commence ma trace dans le sable. Tu n'as qu'à m'y attendre. J'y serai cette nuit.
…
Le petit prince dit encore, après un silence :
— Tu as du bon venin ? Tu es sûr de ne pas me faire souffrir longtemps ?
Je fis halte, le cœur serré, mais je ne comprenais toujours
pas.
…
Je parvins au mur juste à temps pour y recevoir dans les
bras mon petit bonhomme de prince, pâle comme la neige.
…
J'avais défait son éternel cache-nez d'or. Je lui avais mouillé les tempes et l'avais fait boire. Et maintenant je n'osais plus rien lui demander. Il me regarda gravement et m'entoura le cou de ses bras. Je sentais battre son cœur comme celui d'un oiseau qui meurt, quand on l'a tiré à la carabine. Il me dit :
- Je suis content que tu aies trouvé ce qui manquait à ta machine. Tu vas pouvoir rentrer chez toi...
- Moi aussi, aujourd'hui, je rentre chez moi...
Puis, mélancolique :
- C'est bien plus loin... c'est bien plus difficile...
Je sentais bien qu'il se passait quelque chose d'extraordinaire. Je le serrais dans les bras comme un petit enfant , et cependant il me semblait qu'il coulait verticalement dans un abîme sans que je pusse rien pour le retenir...
Il avait le regard sérieux, perdu très loin :
- Cette nuit, ça fera un an. Mon étoile se trouvera juste au- dessus de l'endroit où je suis tombé l'année dernière...
- Petit bonhomme, n'est-ce pas que c'est un mauvais rêve cette histoire de serpent et de rendez-vous et d'étoile...
Mais il ne répondit pas à ma question. Il me dit :
- Ce qui est important, ça ne se voit pas...
- Bien sûr...
- C'est comme pour la fleur. Si tu aimes une fleur qui se trouve dans une étoile, c'est doux, la nuit, de regarder le ciel.
Toutes les étoiles sont fleuries.
- Tu regarderas, la nuit, les étoiles. C'est trop petit chez moi pour que je te montre où se trouve la mienne. C'est mieux comme ça. Mon étoile, ça sera pour toi une des étoiles. Alors, toutes les étoiles, tu aimeras les regarder... Elles seront toutes tes amies. Et puis je vais te faire un cadeau...
- Les gens ont des étoiles qui ne sont pas les mêmes. Pour les uns, qui voyagent, les étoiles sont des guides. Pour d'autres elles ne sont rien que de petites lumières. Pour d'autres, qui sont savants, elles sont des problèmes. Pour mon businessman elles étaient de l'or. Mais toutes ces étoiles-là se taisent. Toi, tu auras des étoiles comme personne n'en a...
- Que veux-tu dire ?
- Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j'habiterai dans l'une d'elles, puisque je rirai dans l'une d'elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les étoiles. Tu auras, toi, des étoiles qui savent rire !
Et il rit encore.
- Et quand tu seras consolé (on se console toujours) tu seras content de m'avoir connu. Tu seras toujours mon ami. Tu auras envie de rire avec moi. Et tu ouvriras parfois ta fenêtre, comme ça, pour le plaisir... Et tes amis seront bien étonnés de te voir rire en regardant le ciel. Alors tu leur diras : « Oui, les étoiles, ça me fait toujours rire! » Et ils te croiront fou. Je t'aurai joué un bien vilain tour...
Cette nuit-là je ne le vis pas se mettre en route. Il s'était évadé sans bruit…d'un pas rapide. Il me dit seulement :
- Tu as eu tort. Tu auras de la peine. J'aurai l'air d'être mort et ce ne sera pas vrai...
- Tu comprends. C'est trop loin. Je ne peux pas emporter ce corps-là. C'est trop lourd...”
Repose en paix